Heureux qui, comme ULIS, a fait un beau voyage…

  • Inclusion et handicap

La loi sur le handicap a 20 ans cette année. Si sa mise en place partait sur de bonnes intentions, force est de reconnaitre que les choses ont été dévoyées avec le temps. Au final les enseignants associés au dispositif voient leurs conditions de travail qui se dégradent avec des issues parfois malheureuses. Néanmoins des adaptations pourraient être envisagées.

La France, avec la loi sur le handicap de 2005, suivant en cela l’Italie, modèle d’intégration, a décidé de fermer beaucoup d’institutions qui cherchaient à répondre aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap. A été proposée la création des Clis (initialement Classe d’intégration scolaire puis renommées Classe d’inclusion scolaire) et UPI (Unité pédagogique d’intégration) qui en 2011 deviendront nos Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) école, collège et lycée.

 Des dispositifs spécifiques marginaux

Ces classes d’intégration étaient une réponse de l’Education nationale à l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap et à une volonté forte de les intégrer dans le système scolaire. Cette initiative était déterminée par des résultats d’études qui montraient qu’un élève en situation de handicap progressait plus dans un milieu ordinaire que dans un milieu protégé.

Les élèves de Clis puis d’Ulis, dans les premiers temps, étaient élèves de la classe ou de l’unité locale. Ils étaient parfois intégrés dans leur niveau de classe d’âge ou dans celle immédiatement inférieure lors du sport ou des arts visuels… lorsque l’enseignant spécialisé arrivait à convaincre un collègue. Parfois il arrivait à plus d’intégration mais cela demandait patience et force de persuasion.

 Ce qui a changé…

 Depuis la réforme des Ulis de 2015, les élèves sont désormais inscrits dans une classe et peuvent intégrer ce dispositif où le coordonnateur répondra à ses besoins spécifiques. C’est un changement qui semble léger mais qui montre la volonté du gouvernement d’aller vers plus d’inclusion. Rappelons que l’inclusion est l’intégration des élèves en situation de handicap dans leur classe d’âge.

 

Ce qui a également changé ce sont les missions du coordonnateur d’Ulis. Elles sont au nombre de trois :

-  Il enseigne aux élèves lors des temps de regroupements au sein de l’Ulis.

Il doit construire son enseignement pour chaque élève en fonction de l’enseignement de sa classe de référence, proposer un enseignement adapté à chacun et élaborer conjointement les évaluations avec l’enseignant de la classe de référence.

-  Il coordonne le travail des partenaires extérieurs.

Il organise autour de chaque élève un projet tenant compte du Projet personnalisé de scolarisation (PPS), des décisions de l’Équipe de suivi de scolarisation (ESS) et du projet de l’établissement. Il planifie les emplois du temps des élèves et de son accompagnant AESH collectif. Il contribue au projet personnel d’orientation de chaque élève. Il construit son dispositif en fonction des élèves dont il coordonne la vie dans l’établissement.

-  Il est une personne ressource pour son établissement.

Il suscite et coordonne les actions concertées entre les membres de la communauté éducative et doit conseiller pour favoriser la réussite des élèves à Besoins éducatifs particuliers (BEP).

 Qu’en est-il dans les faits…

 Les enseignants, qui ont déjà une classe déjà bien chargée, se retrouvent confrontés à un élève qui ne peut suivre comme les autres. Que fait-on quand en CM2 on se retrouve face à un élève non-lecteur ? Un élève qui ne sait pas mettre son manteau seul ? Qui est incompréhensible ou mutique ?

Les maîtres sont bien souvent démunis face à ces élèves qui ont un tel retard par rapport aux autres. Ils ont l’impression de devoir faire un choix entre cet élève et le reste de la classe. Il y a tant d’adaptations à faire que c’est un enseignement individualisé qui serait nécessaire tout en enseignant à tous les autres. Cette double tâche est bien compliquée à mettre en œuvre lorsque l’on sait que cet élève en situation de handicap peut monopoliser entièrement l’attention de l’enseignant, car il peut parfois se mettre en danger ou être dangereux pour ses camarades. Par conséquent, soit l’élève est presque toujours dans la classe Ulis et ne va dans sa classe que pour faire l’EPS ou les arts plastiques (et là retour à la case départ), soit il est mis dans le fond de la classe, abandonné et stigmatisé (ce qui, à l’origine, devait être évité), soit il accapare tant l’enseignant que les autres élèves de la classe en pâtissent, soit encore un mixte des trois car les enseignants dans leur volonté de bien faire tente tout pour réaliser l’impossible avec le peu de moyens à leur disposition. In fine, c’est le burnout qui guette ces enseignants.

 Le rôle des enseignants : un problème insoluble

 Les projets autour des élèves de l’Ulis sont souvent inexistants ou bâclés par manque de temps et de concertations entre les enseignants et le coordonnateur. Les enseignants des classes ont déjà parfois des difficultés à construire un Programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) pour leurs élèves alors un projet d’une telle complexité avec un autre enseignant, cela semble insurmontable. Donc, soit l’enseignant spécialisé coordonnateur fait son projet dans son coin, déprime et accepte de revenir à l’ancienne version : « Je prends ton élève toute la journée sauf de 14h à 15h pour la musique… », soit il se retrouve à tenter de construire ces projets et devient un paria car il empêche ses collègues de faire leur travail en leur sollicitant des rendez-vous-même en dehors des heures de classe ou les empêche de corriger leurs cahiers.

Il faudrait donc pouvoir construire avec l’enseignant spécialisé un projet commun autour de cet élève mais bien souvent les enseignants manquent de temps. L’enseignant, par manque, également, de connaissance préfère déléguer à l’enseignant coordonnateur la majorité des temps d’apprentissage.

 Des solutions potentielles

 A tous les obstacles précités, des solutions apparaissent envisageables :

Il faudrait que les enseignants et le coordonnateur soient formés au handicap de leurs élèves afin de les accompagner au mieux.

Il faudrait que les enseignants des classes et le coordonnateur puissent avoir des temps dédiés de concertations pour construire ensemble un projet éducatif autour de chacun des élèves de l'Ulis.

Il faudrait que l'enseignant de la classe n'ait pas à gérer trop d'élèves à besoins éducatifs particuliers.

Il faudrait que l'élève puisse profiter réellement de ses séjours dans la classe et que cela soit des vrais moments d'apprentissage pour lui. Pour cela il ne faut pas que l’écart soit trop grand entre ses capacités et les attendus du niveau de classe auquel il appartient.

Il faudrait construire un PAOA (Programmation adaptée des objectifs d’apprentissage) pour les élèves dont le niveau scolaire est trop éloigné des attendus scolaires

Il faudrait globalement mieux former les enseignants.

Il faudrait obtenir la possibilité de co-construire l’enseignement, ce qui permettrait, grâce à l’expertise respectives des titulaires, d’améliorer l’accompagnement de l’élève en particulier mais aussi des autres en développant la différenciation pédagogique.

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