Construction du « Bachelor Agro » : entre opportunités et questionnement pour l’enseignement agricole privé

  • Conseil National de l’Enseignement Agricole (CNEA)

Le mardi 8 octobre, lors d’un groupe de travail Cnea(1)-Cneseraav(2), les participants ont débattu du projet de création d'un nouveau diplôme de premier cycle communément appelé « Bachelor Agro ». Ce diplôme, qui s’inscrit dans le cadre du renouvellement des générations dans l'agriculture, a pour objectif de former des cadres capables de répondre aux nombreux défis du secteur agricole, comme les transitions environnementales, économiques et sociales. Il doit également permettre de conforter nos BTSA qui peinent à recruter… Une opportunité pour nos établissements privés qui s’accompagne de certaines interrogations.

L’ enseignement supérieur agricole a longtemps fonctionné avec une offre structurée autour des BTSA (Brevet de technicien supérieur agricole) et des écoles d’ingénieurs. Mais depuis plusieurs années, les BTSA de l’enseignement agricole peinent à recruter face notamment, à la concurrence des BUT (Bachelor universitaire de technologie), diplôme en 3 ans, conférant le grade de licence. Face aux transitions majeures que traverse l’agriculture (enjeux climatiques et environnementaux, renouvellement des pratiques agricoles, modernisation des exploitations et renouvellement des générations), le besoin d’un nouveau niveau de qualification intermédiaire a émergé. Le projet de création d’un « Bachelor Agro » vise à répondre à ce besoin, en créant une formation de niveau bac +3, destiné à renforcer l'attractivité du secteur et à offrir des débouchés concrets.

 

Une réforme bloquée par la dissolution de l’Assemblée nationale

Inclus dans le projet de loi d’orientation agricole (votée au printemps par l’Assemblée nationale), le projet de création d’un « Bachelor Agro » a été stoppé par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier. Avec la nomination d’un nouveau gouvernement, le texte devrait reprendre son chemin pour passer au Sénat dans les semaines qui viennent en espérant une promulgation de la loi dans l’hiver. Si l’instabilité politique actuelle devait bloquer encore ce texte, Benoît Bonaimé, directeur général de l’enseignement et de la recherche, avait confié à la Fep-CFDT lors d’un entretien fin août, ne pas exclure le recours à un vecteur législatif ou à la voie règlementaire.

Les établissements qui souhaitent demander l’ouverture du « Bachelor Agro » devront au préalable, posséder un BTSA puis passer un partenariat (co-accréditation) avec un établissement du supérieur, public ou privé. Le projet de loi initial ne prévoyait pas la possibilité de nouer un partenariat avec un établissement du supérieur privé mais un amendement parlementaire a été voté et a été intégré au projet de loi introduisant ainsi cette possibilité. Les établissements agricoles privés sont donc concernés par la mise en place de ce nouveau diplôme, même si à ce jour nul de sait combien de « Bachelor Agro » verront le jour par bassin, département ou région. La question des critères de choix pour l’attribution reste entière mais l’on peut déjà deviner qu’il n’y aura pas de la place pour tout le monde…

 

Deux formules de Bachelor possibles

Le projet pédagogique du « Bachelor Agro » se structure autour de deux formules, qui pourraient être choisies selon les besoins locaux, des établissements et des étudiants :

  • Modalité 1 : Un diplôme post-BTSA en un an

Cette première formule s’adresse aux étudiants titulaires d’un BTSA et propose un cursus d’un an supplémentaire pour obtenir le Bachelor. Ce modèle, proche des actuelles licences professionnelles, se veut une solution rapide et pratique pour les jeunes issus de l’enseignement agricole. Toutefois, cette option ne permet pas l’inscription via Parcoursup, car il s’agit d’un diplôme post-BTSA et non d’un diplôme post-bac.

  • Modalité 2 : Une formation sur trois ans

La deuxième formule propose une formation complète sur trois ans en 180 ECTS, accessible après le baccalauréat et reposant sur une structuration semestrielle. Cette formule permettrait aux étudiants d’accéder au BTSA après deux ans de formation et de poursuivre leur troisième année pour obtenir le Bachelor. Contrairement à la première option, cette formation serait éligible à Parcoursup, facilitant ainsi le recrutement d'étudiants dès le post-bac.

Les établissements auront la possibilité de choisir entre ces deux modalités lors de l’élaboration de leur dossier d'accréditation, offrant ainsi une certaine flexibilité en fonction des besoins et partenariats locaux.

 

Des questions en suspens

De nombreuses incertitudes demeurent tant sur le plan pédagogique que financier. Tout d’abord, la concurrence avec les licences professionnelles et les futurs BTSA + Bachelor. De nombreux établissements privés délivrent déjà des BTSA et des licences professionnelles, souvent en partenariat avec d’autres organismes. Une question cruciale pour ces établissements est de savoir comment ce nouveau diplôme s’articulera avec les formations existantes. La crainte est que le « Bachelor Agro » ne vienne concurrencer, voire remplacer, certains cursus.

Le « Bachelor Agro » ne s’adresserait pas à toutes les spécialités de BTSA existantes (cela reste flou à l’heure actuelle). Quid de l’avenir des BTSA qui ne seront pas dans le champ d’application ou qui ne pourront pas s’adosser à un Bachelor ·

La mise en place rapide du « Bachelor Agro », prévue progressivement pour la rentrée 2025, suscite des inquiétudes quant aux moyens financiers disponibles pour accompagner les établissements dans cette transformation. Le Masaf a l’intention de faire du « Bachelor Agro » un cursus de référence, avec des moyens dédiés aux établissements (sous forme de DGH), ce qui n’est pas le cas pour les licences pro. Cependant, la baisse générale des budgets alloués à l’agriculture pourrait rendre difficile le financement de cette nouvelle formation. La Fep-CFDT s’inquiète d’un déploiement précipité, notamment si la loi n'est pas finalisée à temps pour la rentrée 2025.

Le terme « Bachelor », couramment utilisé dans les formations privées, suscite des débats. De nombreux acteurs, dont la CFDT, estiment que ce terme n’est pas adapté au système éducatif français et plaident pour sa suppression. La loi agricole, en cours de discussion, ne mentionne pas explicitement le terme « Bachelor » et le Ministère de l'agriculture assure que le choix de la dénomination n’est pas arrêté.

Pour la Fep-CFDT, le « Bachelor Agro » est un projet qui va dans le bon sens et qui représente une opportunité à saisir pour les établissements privés possédant un BTSA. Mais pour que cette réforme soit un succès, il sera impératif de clarifier rapidement un certain nombre d’éléments pour espérer une mise en œuvre sereine à la rentrée 2025.

 

(1) CNEA : Conseil national de l’enseignement agricole

(2) CNESERAAV : Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire 

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