Prévoyance des enseignants sous contrat en danger

  • Protection sociale

A partir du 1er janvier 2026, les maîtres du privé sous contrat pourraient perdre le seul avantage qui les distinguait de leurs homologues du public : leur couverture de prévoyance. Faute d’accord dans les négociations en cours, ces enseignants risquent de se retrouver sans aucune protection sociale complémentaire.

 

Ce qui existe

Les enseignants sous contrat avec l’État bénéficient actuellement d’une prévoyance qui garantit un revenu de remplacement en cas d’incapacité de travail (congé maladie), invalidité (Retrep au MEN ou Atca au MASA) et de décès (capital décès versé au conjoint et majoration de capital ou rente d’éducation versée par enfant à charge). Elle est co-financée par les enseignants et les établissements. Avec la Loi Censi du 5 janvier 2005 où la Fep-CFDT a obtenu la reconnaissance du statut de droit public pour les enseignants des classes sous contrat d’association, un dispositif législatif (Loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006) a donné un cadre légal à cette prévoyance non financée par l’État employeur, ce qui a permis de conserver cet avantage social.

Des négociations qui patinent et qui tournent au vinaigre

En effet, les accords paritaires de prévoyance conclus au national (l’accord de 2005 et la convention de 2012) ont été dénoncés le 25 juillet 2024 par les organisations patronales représentatives de l’Enseignement catholique qui représentent le Collège des établissements financeurs. A l’époque, les représentants de l’Enseignement catholique ont justifié cette dénonciation par la nécessité d’adapter le régime de prévoyance aux évolutions statutaires de la fonction publique d’État en matière de congé maladie, de décès et d’invalidité (induits par l’accord interministériel du 20 octobre 2023). La Fep-CFDT avait préconisé et insisté pour procéder par la révision des accords plutôt que par leur dénonciation, (ce qui n’a pas du tout les mêmes conséquences), mais nous n’avons pas été entendus ! Le Collège des établissements souhaitait un délai déterminé et certain pour la fin des négociations afin de négocier rapidement…

Malheureusement, les négociations sont complexes et n’ont pas suffisamment avancé. A ce stade, elles sont loin d’avoir abouti.

Néanmoins, si une convention de substitution n’est pas signée avant le 1er novembre 2025, date de fin du délai de survie des accords dénoncés, la couverture prendra fin au 1er janvier 2026.

Il a été envisagé au mois de juin, de prolonger la durée de survie des accords dénoncés afin de se donner davantage de temps pour mener les travaux et conclure les négociations. Mais lors de la négociation du 17 juillet, le Collège des établissements financeurs a indiqué que la prolongation de la durée de survie n’était pas d’actualité et qu’il privilégiait une couverture venant en complément de la prévoyance qui se met en place dans les ministères. Or ce montage soulève d’innombrables difficultés juridiques et opérationnelles et il induirait de toute évidence, la fin du régime de prévoyance des enseignants sous contrat avec l’État. Car le régime des enseignants du privé est collectif et obligatoire, contrairement aux contrats de l’État qui sont collectifs mais facultatifs, et si un régime facultatif peut compléter un régime obligatoire, on ne voit pas comment une couverture obligatoire pourrait compléter une couverture facultative, d’autant qu’avec la solution préconisée par le Collège des établissements, les enseignants qui ne souscriraient pas le contrat du ministère, n’auraient plus aucune couverture.

Concrètement, qu’est-ce que la prévoyance ?

Le statut de la fonction publique permet le maintien de l’intégralité du traitement et d’une partie des primes et indemnités, pendant une durée limitée : 3 mois pour un congé de maladie ordinaire (CMO), un an pour un congé de longue maladie (CLM) et 3 ans pour un congé de longue durée (CLD). Les droits à congé maladie des agents non titulaires du concours ont été substantiellement améliorés grâce à l’accord interministériel de 2023, négocié et signé par la CFDT. Mais leurs droits sont plus limités que ceux des titulaires, et dans le meilleur des cas (pour ceux bénéficiant de 4 mois d’ancienneté de services), le plein traitement est de 3 mois (congé de maladie), et de 12 mois (congé de grave maladie).

Après cette période de plein traitement, l’agent ne perçoit que 50% de son traitement. La prévoyance permet d’assurer un complément de revenu pour compléter tout ou partie de la perte de rémunération. Les accords dans l’Enseignement privé prévoient un complément à hauteur de 95% du salaire net.

 

 NB : nous avons négocié une garantie unique qui permet de lutter contre la désinsertion professionnelle en favorisant le maintien en activité de collègues en situation de handicap ou dont la capacité de travail est diminuée du fait de problèmes de santé. Ainsi, la prévoyance complète à hauteur de 100% de la rémunération nette par rapport à la quotité de travail à temps partiel préconisée par un médecin agréé. Demain, sans cette couverture, un enseignant qui à la suite d’une pathologie ne pourrait plus enseigner à temps plein, ne percevrait que son traitement de l’État par rapport à la quotité de temps partiel octroyée, à condition de pouvoir exercer au moins à mi-temps.

Que coûte cette prévoyance ?

Au regard du niveau de garanties, le coût de la prévoyance est modeste. C’est l’avantage d’un régime collectif et obligatoire où tout le monde cotise, même ceux qui ont le moins de risque de tomber malade ou de devenir invalides.

Actuellement, la cotisation se répartit ainsi :

- part payée par l’enseignant : 0,2% de la rémunération (elle devrait être de 0,3% suite à l’avenant d’avril 2022), une ligne apparaît sur votre fiche de paie sous l’intitulé cot assurance prévoyance

- part payée par l’établissement : 1,05% de la rémunération

Pour un enseignant en milieu de carrière (certifié hors classe, échelon 3), la part salariée est d’environ 7€ et l’établissement contribue à hauteur d’approximativement, 38,50€.

 

Quid de la prévoyance qui se met en place dans les ministères ?

Ces contrats étant facultatifs dans la fonction publique d’État, ils sont bien plus coûteux (car moins mutualisés et y souscrivent ceux qui ont plus de risques d’être en arrêt de travail, de devenir invalides ou de décéder). Par ailleurs, trois contrats différents (l’agent pouvant choisir de ne pas s’assurer pour certains risques), avec plusieurs niveaux de garanties au choix de l’agent, sont proposés, alors que la prévoyance des enseignants du privé sous contrat est un contrat unique qui couvre tous les risques et chaque enseignant au même niveau. Ces structures de garanties sont nécessairement plus coûteuses qu’une couverture uniforme pour tous.

Et l’État employeur ne prend en charge que 7€ pour la souscription du contrat couvrant les garanties complémentaires (CLM ou grave maladie, invalidité et décès). Ce contrat ne prend pas en charge les congés de maladie ordinaire (CMO pour les titulaires ou congé de maladie pour les non titulaires), ni le congé de longue durée (CLD) et l’agent doit alors souscrire à un autre contrat, intégralement à sa charge (sans participation de l’État), s’il veut être couvert.

 

 

 

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