Temps de l’enfant : l’ambition ne suffit pas, il faut des actes
La Convention citoyenne sur les temps de l’enfant (CCTE) vient de rendre son rapport au Conseil économique, social et environnemental (Cese) et la première phrase de celui-ci résonne comme un constat implacable : « Aujourd’hui, faute de moyens, de volonté politique, de soutien à la parentalité, et de considération collective pour les enfants, leurs apprentissages, leur développement et leur santé sont affectés. » Alertant depuis de nombreuses années sur cet état de fait, la Fep-CFDT ne se satisfait pas de la dernière réponse du ministre.
La Fep-CFDT ne découvre rien dans les conclusions rendues au Cese. Voici longtemps qu’elle clame que l’intérêt de l’enfant doit être le principe cardinal de toute réforme. Mais sans moyens, sans respect des conditions de travail, sans reconnaissance du travail réel des équipes éducatives, cette ambition reste un slogan, voire une utopie dangereuse.
Des alertes déjà identifiées : rythmes, inégalités, santé, inclusion, violences
Dès 2013, lors de la concertation sur l’École qui s’était déjà tenue au Cese, la Fep-CFDT demandait déjà une refonte des rythmes scolaires. La réforme Peillon engagée à cette époque n’a pas tenu la route, a été détricotée, et revient aujourd’hui sous d’autres habits : semaine de 5 jours, pause méridienne allongée, réorganisation des temps périscolaires… Mais une question demeure, centrale : avec quels moyens, quelles compensations, quelles garanties pour les conditions de travail des personnels d’éducation ?
Ensuite, en 2017, la CFDT et ses fédérations de l’éducation, dont CFDT Education Formation Recherche Publiques (ex-Sgen) et la Fep-CFDT , interpellaient déjà les candidats à la présidentielle en revendiquant une réelle ambition éducative. Celle-ci implique de se donner les moyens de faire réussir tous les élèves et de réduire les inégalités qui minent le système éducatif.
Fep-CFDT et CCTE, convergence d’idées
La CCTE rappelle que la ségrégation sociale n’a jamais été aussi forte, que les temps de l’enfant sont aussi un enjeu de santé publique et que les chiffres de la santé mentale sont alarmants. Autant d’idées sur lesquelles la Fep-CFDT a déjà interpelé la ministre : toute la jeunesse est concernée, quel que soit le lieu de scolarisation ; on ne peut penser la santé des élèves uniquement par le prisme de l’école publique. Et cela implique la formation des équipes pédagogiques, le recrutement de psychologues, infirmier·es, professionnel·les de santé scolaire dans tous les types d’établissements. Notons que sur ce point, le rapport de la CCTE rejoint clairement les revendications de la Fep-CFDT.
La Fep-CFDT défend une école de la mixité sociale, dans le public comme dans le privé sous contrat. Elle défend aussi qu’une augmentation de la place du périscolaire désavantage les milieux, les territoires et les familles défavorisés, si des efforts budgétaires et organisationnels ne sont pas mobilisés.
Concernant l’inclusion scolaire, la Fep-CFDT le répète : une inclusion sans adaptation réelle du système produit de la souffrance – pour les élèves en situation de handicap, pour leurs familles, pour les AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap), pour les enseignant·es et les personnels de santé. La CCTE le dit elle aussi : « Inclure, c’est adapter l’école, les rythmes et les espaces à la diversité des parcours et des capacités ». Or, faute d’accompagnement suffisant, tant d’enfants restent mis à l’écart. Il faut refuser une inclusion au rabais, qui repose sur la seule bonne volonté des équipes.
Les violences scolaires – entre pairs, envers les adultes, mais aussi d’adultes sur les élèves – questionnent l’ensemble de la communauté éducative. La Fep-CFDT participe à la commission de suivi du rapport parlementaire sur les violences scolaires, qui ouvre la voie à une future loi. Elle le rappelle avec force : les personnels sont des alliés essentiels pour briser le silence, à condition qu’ils soient formés, soutenus et présents en nombre suffisant dans les établissements.
Réduire les effectifs de classe, valoriser les métiers de l’éducation, repenser les programmes, réorganiser les temps scolaires… Les pistes du rapport de la CCTE entrent en résonance avec les préoccupations et les revendications que la Fep-CFDT porte depuis longtemps.
Un rapport de plus… ou un point d’appui pour agir vraiment ?
La Fep-CFDT réaffirme donc :
Une réforme des temps de l’enfant doit être pensée à partir de l’intérêt de l’enfant, documentée par la recherche et les pratiques de terrain ;
…mais jamais au détriment des salariés et enseignants de nos établissements ;
elle doit garantir les conditions de travail des personnels : celui-ci ne doit pas être dégradé, ni augmenté de manière déguisée ;
elle doit se construire avec les équipes, jamais contre elles, dans un dialogue social réel.
Un·e professeur·e heureux·se, un personnel d’éducation reconnu, un·e salarié·e épanoui·e au travail, c’est la première condition d’un·e élève qui apprend bien.
Un dialogue social exigeant, loyal, continu, non précipité, avec tous les acteurs concernés, de l’éducation et en dehors de l’éducation, est la condition de toute réforme durable. Est-ce possible ?
De son côté, le ministère de l'Éducation nationale a réagi jeudi 4 décembre 2026 en temporisant : « Je ne vais pas bouleverser les temps scolaires à la rentrée 2026 ». Il invoque le contexte politique et les importantes implications logistiques. Pour lui, une réforme des rythmes scolaires doit être pensée globalement, sans précipitation, en tenant compte du contexte politique, notamment des élections municipales suivie des présidentielles. Joue-t-il la montre en bottant en touche, ou a-t-il une réelle volonté de mettre la convention en application ? Par cette intervention, le ministre remet-il en cause le travail de la CCTE ? L'avenir nous le démontrera… ou pas.