
Les valeurs européennes au service de la formation
Si l’Union européenne (UE) n’a pas dans ses prérogatives l’éducation et la formation, elle complète l’action des Etats membres sur le sujet (articles 165 et 166 du traité sur le fonctionnement de l’UE). Avec la construction d’un Espace européen de l’éducation (EEE) dès 2018, elle pose les bases d’une vision partagée de l’école et de ses missions. Le tournant idéologique, extrémiste et populiste que peut prendre l’Europe le 9 juin pourrait bien pourtant mettre en péril ce projet humaniste d’une école qui éduque de futurs citoyens et citoyennes émancipé.e.s.

Le socle européen des droits sociaux implique que toute personne a droit à une éducation, une formation et un apprentissage, tout au long de la vie, inclusifs et de qualité. Sur cette base, l’espace européen de l’éducation a été créé pour favoriser les collaborations entre les pays de l’UE dans un esprit de mise en place de systèmes d’éducation plus résilients et plus soucieux de rassembler. Pour atteindre ce modèle d’éducation, notre espace supranational finance des projets, des politiques nationales et il créé des outils. Et l’EEE fixe en parallèle des objectifs chiffrés à atteindre par l’intermédiaire de ces aides. Figurent dans ces objectifs, par exemple, la scolarisation de tous les enfants européens dès 3 ans d’ici 2030, la réduction des sorties du système scolaire précoces, sans diplôme ou sans emploi. Pour aller vers cette réduction, 8,8 milliards d’euros ont notamment été affectés par l’UE pour la période 2014-2020 pour l’emploi des jeunes. Cela a pu se traduire par un soutien aux politiques nationales en faveur de l’apprentissage.
L’Europe agit pour l’éducation et la formation
La loi du 27 décembre 2023 dite « Erasmus de l’apprentissage » s’inscrit dans cette logique. Elle crée des dispositions facilitant les déplacements et les signatures de contrats ou de mises à disposition dans le cadre de mobilités européennes. Des référent.e.s sont nommé.e.s au sein de chaque Centre de formation d’apprentis (CFA) pour permettre cette mobilité. Cette loi s’inscrit dans le dispositif européen global « programme Erasmus +» qui permet chaque année à des milliers d’étudiant·e·s, d’apprenti·e·s, de jeunes et de professionnels d’étudier, de faire un stage ou une formation dans un autre pays d’Europe. Erasmus + concerne les étudiant·e·s mais également les élèves des collèges, des lycées et du supérieur, quel que soit leur âge. Les enseignant·e·s et formateurs, les bénévoles d’associations, les stagiaires, les actifs en formation, les apprenti·e·s ou encore les demandeurs d’emploi y sont également éligibles de même que le personnel des structures sportives depuis 2023.
L’Europe s’engage pour nos métiers
Alors que la révolution digitale questionne bien des sujets (fracture numérique, accueil des publics, transformation de l’emploi, usage de l’intelligence artificielle…), l’UE a adopté un accord « Digital Europe » en juin 2022. Donnant un cadre à ces enjeux, l’accord, dont la CFDT revendique notamment sa transposition aux fonctions publiques françaises, protège les personnels et régule les organisations du travail. Il impose du dialogue social avant toute mise en œuvre des transformations digitales mais aussi dans leur suivi. Par exemple, face aux dérives dans l’utilisation des ressources humaines des données personnelles et de l’IA (intelligence artificielle), l’accord protège les personnels dans les techniques de recrutement (détection de critères excluants sur les visages, tri des CV). Le programme est aussi destiné à donner un coup de pouce aux talents européens dans les domaines clés du numérique et à encourager les formations et l’éducation de pointe aux technologies d’avenir. Grâce à celui-ci et à un financement de plus d’un milliard d’euros, l’UE fait en sorte que les secteurs d’intérêt public comme l’éducation puissent accéder aux technologies du numérique.
Sur l’égalité entre les femmes et les hommes, l’Europe s’engage aussi avec des conséquences à la fois sur nos enseignements et sur nos emplois. Elle réalise des campagnes pour lutter contre les stéréotypes de genre et met en place un plan pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur de la recherche et l’innovation. Par ce biais, elle invite notamment les états européens à mettre en œuvre une politique de mixité dans les filières du supérieur notamment.
Des programmes nationaux qui ne font pas illusion
Si dans les programmes des candidats et candidates aux élections européennes il y a peu de choses sur l’école, on trouve des propositions connexes qui, si elles se matérialisent par le vote des citoyen.ne.s en leur faveur le 9 juin, peuvent mettre en danger l’engagement européen pris jusque-là pour l’éducation. Ainsi, quand le Rassemblement national (RN) entend dans son programme pour les élections européennes réaffirmer «la supériorité de la constitution française sur les normes et juridictions européennes», et redonner aux états «le pouvoir exclusif de proposer de nouvelles normes» au sein du Conseil européen, ce sont les mobilités internationales qui risquent d’être réduites. De même, lorsque le RN déclare « lutter contre les dérives wokes qu’impose Bruxelles à travers de nombreux textes tels que « Conscience historique européenne » qui veut propager dans nos écoles le rejet de nos valeurs et la réécriture de notre histoire », il faut y voir un risque de fin des programmes d’égalité et de lutte contre les discriminations subventionnées par l’Europe et un retour à l’enseignement d’une histoire de France fantasmée et belliqueuse. Et ces allusions dans les programmes pour les élections qui se profilent sont à croiser avec les programmes nationaux des partis extrémistes.
Des visions bien rétrogrades…
Ils portent globalement, en leur sein, une vision de l’école contraire aux valeurs de la Fep-CFDT. Reconquête veut, par exemple, un ministère de l’Instruction uniquement basé sur la transmission de savoirs, et comme le RN, le parti d’Éric Zemmour demande plus d’histoire de France dans les programmes des établissements classés en REP (Réseau d’éducation prioritaire) pour faire face à l’islamisation et au communautarisme qui y règnent selon eux. Les partis d’extrême-droite souhaitent étendre largement l’apprentissage et l’autoriser à partir de 14 ans. Ils sont sensibles aux classes de niveaux et souhaitent remettre en place le certificat d’études. Et qu’ils et elles soient député.e.s européen.ne.s ou élu.e.s sur le territoire national, des responsables politiques RN et Reconquête distillent cette vision souverainiste, excluante et ultraconservatrice de l’école et vont jusqu’à critiquer publiquement des pratiques pédagogiques de collègues et demander leur sanction. C’est le cas du député européen Nicolas Bay qui s’en prend régulièrement à des enseignants et enseignantes sur son compte X (Twitter) les accusant de diffuser des théories wokistes. De plus, on observe aussi de plus en plus de territoires, dans desquels des maires ou députés RN s’opposent à des projets pédagogiques visant à lutter contre l’homophobie comme en Auvergne et en Normandie. Les partis d’extrême droite agitent régulièrement l’étendard de la souveraineté nationale en opposition avec la souveraineté européenne, or ces deux souverainetés sont complémentaires.
Pour une Europe démocratique et protectrice
S’il est facile et parfois compréhensible de dénoncer la bureaucratie européenne qui ne rend pas toujours possible les bonnes volontés des élu.e.s de notre Union sur l’éducation et la formation, l’UE aujourd’hui protège et inclut. Par ses institutions et ses élu.e.s au Parlement européen, qui est l’organe au sein duquel le dialogue social est le plus présent, ce sont des moyens et des politiques qui sont voté.e.s permettant à nos écoles de relever les défis du XXIè siècle avec un angle humaniste bien éloigné, jusqu’alors, des préoccupations des candidats et candidates d’extrême droite au scrutin du 9 juin.
La démocratie est une valeur portée depuis toujours par la CFDT, le 9 juin est un moment clé pour la démocratie européenne. La montée de l’extrême droite est en corrélation avec le taux d’abstention, ainsi votre participation au scrutin sera déterminante le 9 juin !