Retour

« Exigence des savoirs » : la mission improbable du ministre

Publié le 12/10/2023 (mis à jour le 20/10/2023)

Cela faisait longtemps que le ministre de l’Éducation nationale n’avait pas fait d’annonce par voie de presse, sans consultation préalable. Celle que dévoile le Monde du 5 octobre concerne le renforcement du français et des mathématiques à travers la mission « Exigence des savoirs ».

C’est lors de la journée mondiale des enseignants que le ministre a lancé son nouveau défi : créer une réforme en huit semaines pour améliorer les performances des élèves en mathématiques et en français, en s’appuyant sur trois groupes de travail (école, collège, lycée). Et applicable si possible à la rentrée 2024.

Une réforme à l’ancienne

Gabriel Attal propose de supprimer les cycles pour « revenir à un séquençage par année et par classe », ce qui suppose une refonte des programmes ; il plaide le retour à des classes de niveaux en mathématiques et en français et prône un « manuel standardisé » ; il envisage aussi des « stages de réussite pendant les vacances », obligatoires pour le tiers des élèves entrant en 6e et ne maîtrisant pas les savoirs fondamentaux ; il remet en cause la formation initiale et continue des enseignants. Il affirme enfin qu’il consultera, par le biais d’un questionnaire, les « 860 000 professeurs sur les priorités et les actions à mettre en œuvre pour élever le niveau ».

Une mission éclair et un calendrier intenable

Élaborer une stratégie en moins de 7 semaines pour augmenter le niveau des élèves en français et en mathématiques s’apparente à une mission impossible ! C’est au pas de charge que chaque groupe de travail (école , collège et lycée), présidé par un recteur, composé d’un Dasen, d’inspecteurs, de deux professeurs et d’un membre de la Dgesco, va devoir auditionner d’ici le 15 novembre tous les acteurs du monde éducatif dont les organisations syndicales de l’enseignement privé. C’est au pas de charge que les trois groupes devront faire des propositions. C’est au pas de charge que la consultation des personnels sera menée, puisqu’elle se terminera vers le 8 novembre. C’est au pas de charge que les différents travaux seront mis en cohérence au plus tard fin novembre. D’autant que le périmètre des travaux s’avère très vaste .En effet 4 thématiques devront être abordées dans chaque groupe : les contenus à enseigner, les pratiques pédagogiques, les organisations pédagogiques et la culture générale.

Ce qu’en pense la Fep-CFDT

La Fep-CFDT estime que c’est au Conseil supérieur de l’éducation, instance prévue à cet effet, qu’il revient d’organiser la concertation. Il faut prendre le temps de la réforme, à laquelle doivent participer tous les partenaires sociaux.

La suppression des cycles et le retour des classes de niveaux questionnent. Le risque est de voir les groupes classes disparaître, si importants pour les élèves. On peut craindre aussi l’éclatement, voire la disparition, du collège unique. Quant au professeur principal, l’expérience du lycée prouve qu’il ne conviendrait pas de le remplacer par un professeur référent.

La Fep est inquiète de ce retour en arrière : il y a risque d’une réduction du nombre d’heures pour les disciplines autres que celles dites fondamentales et d’un enseignement davantage standardisé, limitant la liberté pédagogique. La pédagogie de projet et les « éducations à » risquent d’en pâtir, qui permettent pourtant de se soucier de tous les élèves et d’offrir une ouverture nécessaire sur le monde. Enfin, les groupes homogènes n’ont jamais fait leurs preuves.

La Fep-CFDT pointe aussi la dégradation des conditions de travail qu’induirait la mise en œuvre de ces annonces, surtout si c’est dès 2024 : nouveaux programmes dont il faudrait s’emparer, stages pendant les vacances à assurer, groupes de niveaux à organiser.

Alors que la dernière réforme n’a pas été évaluée, une nouvelle est annoncée de façon précipitée et sans concertation. L’attractivité du métier ne risque pas de s’en trouver renforcée.