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Que dit le rapport sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif ?

Publié le 18/04/2024

Ce rapport est issu d’un travail de 7 mois mené par deux députées, Estelle Folest (Refondation républicaine) et Béatrice Descamps (Parti radical), pour la commission culturelle de l’Assemblée nationale. Il a fait l’objet d’une quarantaine d’auditions, soit plus d’une centaine de personnes, dont des collègues du Sgen-CFDT et de la Fep-CFDT. Cette dernière se reconnait dans les propositions qui en découlent.

La part du secteur privé dans le supérieur est passée de 15% des effectifs étudiants dans les années 2000, à 26,1% en 2024. Cette hausse est due en grande partie à l’essor de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, que l’on estime couvrir 15% des étudiants. Les pouvoirs publics, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et celui du travail le connaissent très mal : il n’existe aucune liste des établissements et la plupart des formations proposées n’apparaissent pas sur Parcoursup.

Un secteur difficile à cerner

La loi de 1875 consacre la liberté de l’enseignement supérieur. Cela aboutit aujourd’hui à une complexité des statuts, lucratifs ou non, et à un flou entre établissements d’enseignement technique privés (EETP), établissements d’enseignement supérieur privés (EESP), Centres de formation d’apprentis (CFA), enseignement à distance. Leur mise est place est déclarative, et les atteintes des obligations de ces établissements relèvent du droit privé, entre le code du travail et le code de l’éducation. Le ministère de lʼEnseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESR) peut délivrer des visas ou grades, le ministère du travail des titres au Registre national des certifications professionnelles (RNCP) et la certification Qualiopi, sachant que la majeure partie des établissements lucratifs, dans l’apprentissage ou non, entrent dans cette dernière catégorie. Cela leur permet de capter des fonds publics de la formation ou de l’apprentissage.

Un secteur en essor

Tout d’abord, l’enseignement supérieur public n’est pas en mesure d’absorber la forte demande. En effet, le nombre d’étudiants a augmenté de 600 000 en 10 ans, en raison du boom démographique, de l’augmentation des réussites au baccalauréat, du fait que les diplômes sont vus comme une garantie contre le chômage. Les universités n’ont pas assez de moyens pour recruter, agrandir les locaux, encadrer davantage les étudiants.

Ensuite, la « loi pour choisir son avenir professionnel » de 2018 libéralise l’apprentissage. L’enseignement supérieur lucratif a su en tirer parti, notamment en touchant 6000 euros par apprentis la première année, avec une formation moindre et des frais d’inscription réduits pour les apprenants.

Enfin, l’enseignement supérieur privé attire des investisseurs aussi bien privés que publics, telles les collectivités locales qui désirent dynamiser leurs territoires.

Ainsi, l’enseignement lucratif tire son épingle du jeu, à coup de marketing efficace, parfois trompeur, donnant une vision d’« enchantement » des campus et des débouchés, attirant spécialement les classes moyennes et surtout populaires.

Un secteur aux nombreux dysfonctionnements

Le système actuel ne permet pas à l’étudiant de s’orienter de façon éclairée. Il se retrouve dans un univers anxiogène confronté à 23 000 formations possibles sur Parcoursup, et davantage en dehors. Il y a prolifération de diplômes, pas tous reconnus, avec des appellations confuses (Bachelor, Msc…). La qualité des formations n’est pas garantie ; par exemple, les critères des titres RNCP ou la certification Qualiopi n’ont pas de valeur pédagogique.

Le défaut de régulation engendre des dérives croissantes. Les différents acteurs de régulations ne peuvent contrôler que partiellement à cause du cadre juridique flou. Par exemple, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) relève des anomalies dans 56,3% des établissements contrôlés dans le seul cadre de la protection du consommateur, avec des cas d’escroquerie avérée sur les diplômes, les contrats avec les étudiants ou les frais d’inscription.

Voir la vidéo de présentation du rapport : ICI

Voir le communiqué de la Fep-CFDT : ICI