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Travail par cycle : comment décompter les jours de congés payés ?

Publié le 19/02/2020

Dans l’hypothèse d’une organisation du travail par cycle, le dernier jour de congé correspondant à un jour habituellement non travaillé par le salarié doit-il être décompté comme un jour de congé payé ? C’est en vue de répondre à cette question que la Cour de cassation est venue préciser les modalités de décompte des congés payés dans le cadre bien spécifique du travail par cycle. Cass.soc.29.01.20, n°18-13604.

  • Un peu d’histoire…

Jusqu’en 2008 (1), les entreprises disposaient d’une certaine souplesse pour adapter le temps de travail des salariés aux besoins de leur activité. Elles pouvaient avoir des besoins irréguliers dans le temps nécessitant d’alterner des périodes de haute et de basse activité, auquel cas elles recouraient à une modulation, au travail par cycles ou au temps partiel modulé, mais elles pouvaient aussi réduire le temps de travail des salariés par l’attribution de jours de repos (JRTT).

Le travail par cycle, qui nous intéresse ici, permet de répartir des heures de travail de manière différente d’une semaine à l’autre et ce, sur un cycle de 12 semaines maximum.
Les semaines peuvent ainsi alterner des heures au-dessus ou en dessous de la durée légale du travail. Au sein d’un même cycle, les semaines hautes et les semaines basses se compensent, de sorte que sur ce cycle, la durée hebdomadaire moyenne de travail soit de 35 heures.
Attention, car cette organisation suppose que la répartition de la durée du travail se répète de manière identique d’un cycle à l’autre(2) !

La loi de 2008 a abrogé l’ensemble de ces dispositifs pour les remplacer par un dispositif unique d’aménagement du temps de travail sur plusieurs semaines ou sur l’année (voire sur 3 ans par accord de branche). Néanmoins, les accords conclus avant cette loi et qui n’ont pas été remis en cause par les signataires restent valables.

  • Les faits

Dans l’entreprise en question, un accord collectif prévoit des cycles de travail de 2 semaines, au cours desquels un lundi sur deux n’est pas travaillé par le salarié.

Le problème soulevé dans cet arrêt ne vise pas directement le travail par cycle, mais plutôt la façon dont sont décomptés les congés pendant ces périodes. En effet, selon le salarié, lorsque son dernier jour de congés tombe le lundi où il ne travaille habituellement pas, ce jour ne devrait pas, comme le fait l’employeur, être comptabilisé comme un jour de CP. Il saisit donc la justice afin de se voir payer tous les jours qui ont ainsi été décomptés de ses CP.

Pour rappel, lorsque dans une entreprise, les congés payés sont calculés en jours ouvrables, leur décompte, au moment où ils sont pris est le suivant :
Le point de départ des congés est le 1er jour où le salarié aurait dû travailler et où il ne travaille pas, puis on décompte tous les jours ouvrables compris dans la période d’absence jusqu’à sa reprise.
On entend alors par jours ouvrables tous les jours de la semaine, à l’exception, en principe, du dimanche et des jours fériés chômés dans l’entreprise.
Le décompte se fait donc sur les jours habituellement ouvrables dans l’entreprise et non pas sur les seuls jours travaillés par le salarié s’il avait été présent (3).

Les juges du fond lui donnent raison ! Le lundi non-travaillé chaque quatorzaine est une journée de récupération du temps de travail (RTT) accordée en application de l’aménagement du temps de travail résultant de l’accord d’entreprise de 1999. Il ne s’agit pas d’une journée non travaillée dans l’entreprise, mais d’un jour non travaillé accordé au salarié. Par conséquent, les lundis durant lesquels le salarié bénéficie d’une journée de repos supplémentaire suite à ses congés ne constituent pas une journée de congés payés, mais une journée qui vient s’ajouter à ces derniers.

Les juges condamnent l’employeur à verser au salarié un rappel de salaire en plus des congés afférents. L’employeur se pourvoit en cassation.

La question étant de savoir si, dans le cadre d’un travail par cycles, lorsque le dernier jour de CP tombe sur un jour habituellement non travaillé par le salarié, ce jour doit être considéré comme un jour de RTT ou bien comme un jour ouvrable susceptible d’être décompté comme un jour de CP.

  • Les jours non travaillés dans un cycle n’ont pas la nature de RTT

La Cour de cassation n’adhère pas aux arguments des juges du fond. Elle explique au contraire que le jour non travaillé dans le cycle ne constitue qu’un jour de modulation destiné à répartir les heures de travail au sein de ce cycle et qu’il ne peut donc être pas être considéré comme un jour de RTT, qui constitue la contrepartie d’un travail supérieur à la durée légale hebdomadaire de 35 heures. Il est un jour ouvrable comme les autres et doit donc, à ce titre, être décompté des congés payés.

Par conséquent, le salarié qui reprend, suite à des CP, son travail le mardi, voit le lundi précédent décompté comme un jour de CP quand bien même celui-ci n’est habituellement pas travaillé, parce qu’il est considéré comme un jour ouvrable compris dans la période d’absence du salarié.

Bien que malheureuse pour le salarié, la solution retenue par la Cour de cassation semble assez logique. Les juges du fond ont visiblement confondu travail par cycle et réduction du temps de travail par l’attribution de jours de repos. La même solution serait d'ailleurs retenue dans le cadre d'un aménagement du temps de travail sur plusieurs semaines.



(1) Loi n°2008-789 du 20.08.08.

(2) Circ.DRT, n°94-4, 21.04.94.

(3) Cass.soc. 12.05.15, n°14-10509.

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