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Loi Avenir professionnel : du légal à l'égal ?

Publié le 19/09/2018 (mis à jour le 17/10/2018)

La loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 contient un chapitre relatif à l'égalité de réumunération entre les femmes et les hommes, ainsi que sur la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail. Malgré les différentes mesures adoptées au cours de ces 30 dernières années, il reste un écart de salaire de 24 % entre les femmes et les hommes et de 9,9 % à conditions équivalentes (secteur, temps de travail, âge...). Tour d'horizon des principales mesures en matière d'égalité de réumnération qui pèsent à la fois sur l'employeur, les branches professionnelles et sur les mesures de lutte contre les violences sexuelles et sexistes au travail.

  •  Obligations qui pèsent sur l’employeur

-  Objectif d’égalité salariale entre femmes et hommes

La loi fixe dorénavant un principe ambitieux répondant à des inégalités persistantes : « l’employeur prend en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération ».

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, l’employeur devra publier chaque année des indicateurs sur les différences de salaire entre les femmes et les hommes ainsi que les actions mises en œuvre pour les supprimer. La méthodologie précise des actions correctives sera définie par décret. Une mission a été confiée à Sylvie Leyre (DRH Schneider Electrics) en vue de construire l’index d’indicateurs pertinents pour mesurer et corriger ou sanctionner ces écarts de rémunération

Si les résultats sont insatisfaisants au regard des indicateurs prévus par le futur décret, la négociation annuelle en entreprise sur l’égalité professionnelle devra porter sur les mesures correctives et, le cas échéant, sur des mesures de rattrapage financier. A défaut d’accord sur ce point, l’employeur devra prendre une décision unilatérale, après consultation du CSE. Le plan, ou l’accord, est déposé auprès de l’autorité administrative qui peut présenter des observations sur les mesures prévues.

La sanction est inédite. A défaut de résultats satisfaisants, un délai de 3 ans s’ouvrira alors pour que l’employeur se mette en conformité avec le futur décret. Dans le cas contraire, il sera redevable d’une pénalité financière d’au maximum 1 % de la masse salariale (affectée au fonds de solidarité vieillesse). En fonction des efforts fournis par l’employeur, un délai supplémentaire d’1 an peut être accordé par l’administration.

Même s’il est encore impossible de se prononcer en toute connaissance de cause, à défaut de connaître le décret, il faut d’ores et déjà noter un changement de paradigme, puisque la sanction financière ne concerne pas uniquement l’absence de négociation ou de plan d’action sur le sujet, comme c’est le cas actuellement, mais vise l’absence de résultats satisfaisants sur la suppression des écarts de salaires ou encore l’absence de publication des indicateurs.  

Le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport évaluant l’effectivité de la garantie apportée au respect de l’égalité salariale le 1er janvier 2022.

Ces mesures entreront en vigueur à la date qui sera fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2019 pour les entreprises de 250 salariés et au plus tard le 1er janvier 2020 pour les entreprises de 50 à 250 salariés.

-        Obligation d’information dans la BDES (Base de données économiques et sociales)

La BDES va par ailleurs s’enrichir des informations sur la méthodologie et le contenu des indicateurs sur les écarts de rémunération. 

La CFDT considère que cette nouvelle loi et l’index associé sont de nature à donner du grain à moudre aux équipes militantes sur la question de l’Egalité professionnelle, tant lors des NAO que dans les négociations EP ou EP/QVT. Une fois les arbitrages sur l’index stabilisés, un mode emploi sera mis à disposition des militants pour qu’enfin légalité rime avec égalité…

Les pistes pour l'index

L’index comporterait 5 critères, chacun comptant pour une part de la note finale:

1. Une photographie annuelle de la rémunération moyenne ou médiane (ce point reste à arbitrer) des femmes et des hommes, évaluée par tranche d’âge et par niveau de classification. On entendrait par rémunération le salaire de base, les bonus ou parts variables, les gratifications exceptionnelles et les avantages en nature. Ce critère représenterait 40% de la note globale 

2. Evaluation du nombre de femmes, à leur retour de congé maternité, ayant eu une augmentation de leur rémunération au moins égale à la moyenne des rémunérations accordée aux salariés de sa catégorie. Ce critère vaudrait 15% dans la note globale. 

3. Evaluation par CSP du pourcentage de femmes comparé au pourcentage d’hommes ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année. Ce critère pèserait 15% dans la note globale.

4. Comparaison par CSP du pourcentage d’hommes et du pourcentage de femmes ayant bénéficié d’une promotion dans l’année. Ce critère aurait un poids de 20% dans la note globale.

5. Evaluation du nombre de femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations des entreprises de plus de 250 salariés, et parmi les 10% les plus hautes pour les entreprises de moins de 250 salariés. Ce critère représenterait 10% de la note globale.

Des interrogations restent en suspens : les mécanismes de pondération, le seuil de déclenchement des pénalités, etc… qui seront éclairées lors de la multilatérale annoncée, dans la semaine du 22 au 26 octobre, puis d’une réunion conclusive.

  • Obligations qui pèsent sur les branches professionnelles

-  Un bilan égalité professionnelle intégré au rapport annuel de la CPPNI (Commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation)

La loi ajoute au rapport de branche annuel de la CPPNI un bilan de l'action de la branche en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de classifications, de promotion de la mixité des emplois et d'établissement des certificats de qualification professionnelle, des données chiffrées sur la répartition et la nature des postes entre les femmes et les hommes ainsi qu'un bilan des outils mis à disposition des entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

En conséquence, la loi supprime la remise du rapport de branche au CNNC et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle sur la révision des catégories professionnelles et des classifications, portant sur l'analyse des négociations réalisées et sur les bonnes pratiques.

Cette mesure entrera en vigueur à la date qui sera fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2019.

Mise à disposition d’outils de préventions et d’actions

La négociation obligatoire de branche sur l’égalité professionnelle s’enrichit d’une disposition qui précise que cette négociation doit porter également sur «la mise à disposition d'outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ».

  •  Lutte contre les violences sexuelles et sexistes au travail

- Référent obligatoire dans les entreprises

 Les entreprises de plus de 250 salariés devront désigner un référent pour orienter, informer, accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Référent harcèlement /agissement sexistes au sein du CSE

 Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes sera désigné parmi les membres du CSE à la majorité pour la durée du mandat. Celui-ci bénéficiera de la formation des membres du CSE, ce qui laisse supposer qu’il peut donc s’agir d’un suppléant.

- Obligation d'affichage renforcée

En plus de l’affichage obligatoire de l’article 222-33 du Code pénal, qui sanctionne le harcèlement sexuel, ou des articles sur l’égalité de rémunération entre femmes et hommes, la nouvelle loi oblige d’afficher la mention des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et les coordonnées des autorités et services compétents. La liste de ces services sera définie par décret.

 

Ces mesures entreront en vigueur à la date qui sera fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2019.

 La mise en place de référent.es dans les entreprises pourrait être de nature à répondre aux besoins des témoins comme des victimes. Mais, pour la CFDT, cette mesure n’a de sens que si une procédure simple, claire, sécurisée et connue de l’ensemble des salarié.es est mise en place dans toutes les entreprises.