Risques psychosociaux graves : réagir pour ne pas subir 

Publié le 08/12/2021

Quand la qualité de vie au travail se dégrade au point d’entraîner de graves risques psychosociaux, sans que la direction réagisse, le recours à un cabinet d’expertise s’impose. Retour d’expérience d’un élu du personnel d’un lycée agricole francilien.

Dans notre groupe scolaire Fénelon, à Vaujours (93), les élus CFDT du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) ont alerté dès 2013 la médecine du travail du mal-être de certains collègues et du peu de prise en compte de celui-ci par la direction. En 2018, une première expertise RPS (risques psychosociaux), menée par une société expérimentée (ISAST), est diligentée par le CSE (Comité social et économique).

Carences managériales et de l’Ogec

Malgré les difficultés rencontrées par les experts, qui ne peuvent avoir accès aux données sociales de l’entreprise, les conclusions mettent en avant des carences dans le management, provoquant notamment des problèmes relationnels entre les collègues. Mais la direction reste imperméable aux préconisations.

Suite à la fermeture de deux unités de ce groupe scolaire et de l’internat, la situation psychologique des membres de l’équipe éducative se dégrade et les élus du CSE décident de déclencher une enquête pour risques graves. L’Ogec a tenté une nouvelle fois d’empêcher cette expertise en attaquant en justice le vote du CSE. Le tribunal de Bobigny l’ayant débouté, l’enquête a pu se dérouler, avec le cabinet Alterventions.

Le constat est éloquent, il met en avant les carences de l’Ogec en matière de prévention des risques pour réguler les tensions psychosociales. Aucune action n’a été mise en place. L’entreprise n’en a même pas tenu en compte dans l’actualisation de son Duerp (Document unique d’évaluation des risques professionnels). Malgré les obstacles rencontrés, les experts ont pu conduire des entretiens individuels et collectifs. Il est donc important pour les CSE de travailler avec des bureaux expérimentés.

Ce rapport a aussi souligné que les acteurs de la gouvernance présentent un défaut de professionnalisation sur les questions relatives à la prévention des risques professionnels.

Quand le dialogue social est impossible

Quant au ministère de l’Agriculture, employeur des enseignants de droit public, il délègue la prévention à la structure privée et se déresponsabilise, laissant les agents de droit public sans aucune protection. Les demandes répétées des élus sur les conditions d’emploi et de travail sont restées sans réponse. Ce manque de transparence se traduit par une coopération impossible entre élus et Ogec. Au bout de 30 ans d’une forte insécurité socio professionnelle, la seule réponse, avec ce dialogue social rendu volontairement impossible, est le recours à la judiciarisation. C’est ce que les élus CFDT du CSE ont entrepris, remportant à chaque fois les procès contre l’Ogec.

Ce type d’expertises doit se généraliser dans nos établissements afin de faire prendre conscience aux acteurs et décideurs de l’enseignement privé de s’appuyer sur des experts pour faire évoluer les relations sociales. L’absence d’accompagnement a empêché un travail de deuil des salariés licenciés et de ceux restés sur le site. L’expertise a permis d’identifier les racines des maux et de mettre des mots sur notre souffrance individuelle et collective.