Une réforme de la formation initiale qui ne convainc pas

Publié le 10/03/2021

À partir de 2022, le concours d’enseignant doit être repoussé à la fin du master M2, alors que les étudiants le passent actuellement en M1. Les futurs professeurs vont donc garder le statut d’étudiant une année de plus. Les contrats alternants leur assureront un revenu, tout en leur fournissant une expérience professionnelle qui leur sera utile pour la préparation du concours. Jusque-là, tout va bien…

Un impact sur l’emploi des enseignants

La dimension professionnalisante du master Meef se voit ainsi renforcée avec ces contrats en alternance. Il s’agit pour l’étudiant d’un contrat de droit public, sans période d’essai, conclu par le rectorat et dont la durée cumulée est de 12 mois sur les 2 ans du master. Si la Fep-CFDT adhère totalement au principe de l’alternance dans le parcours de formation au métier d’enseignant, elle condamne en revanche fortement la manière dont cela est financé. En effet, ce sont 380 emplois qui sont ainsi ponctionnés pour accueillir les étudiants alternants, faisant passer la facture de moins 239 postes, prévue pour l’enseignement privé à la rentrée 2021, à moins 619 postes. L’impact sur l’emploi n’est donc pas négligeable et la gestion dans les académies s’annonce tendue. Certes les moyens d’enseignement sont maintenus, voire augmentés, mais grâce aux heures supplémentaires. Autrement dit, on demandera à moins d’enseignants d’en faire plus…

Quelle affectation et pour qui ?

Les étudiants séduits par ces contrats d’alternance exprimeront des vœux. Les rectorats, en lien avec les Inspé et les Isfec, après avoir identifié les établissements d’accueil, affecteront les candidats en tenant compte de leur lieu de résidence et en veillant à la bonne articulation entre temps de formation et temps de travail. Mais, si le projet de convention mentionne l’alternance comme étant partie intégrante du cursus de formation, tous les étudiants n’y auront pas accès… En effet, le nombre de contrats mis en jeu est insuffisant pour permettre à tous d’intégrer ce parcours. Quels seront alors les critères pour départager les candidats ? À ce jour, le ministère est incapable de nous fournir une réponse… De manière plus générale, beaucoup d’incertitudes demeurent.

Une chose semble cependant sûre : le mouvement de l’emploi va se complexifier, entre les étudiants en alternance qui occuperont des berceaux avant le concours et ceux qui, par choix ou parce qu’ils auront subi un refus, feront leur stage après le concours, comme c’est le cas actuellement.

Quelles missions pour ces alternants ?

Ils exerceront des missions en responsabilité devant les élèves et assureront les obligations de service de la profession à laquelle ils se destinent. Le temps de face-à-face élèves représentera un tiers de celles-ci. Cela pourra s’organiser de manière filée, sur l’ensemble de l’année scolaire, ou massée (à temps plein) sur certaines périodes, ou bien encore en conjuguant les deux formules. Si la co-intervention ne devra pas être la règle générale, ces étudiants pourront cependant effectuer des interventions pédagogiques ponctuelles sous la responsabilité d’un professeur. En outre, ils devront bénéficier de l’assistance d’un tuteur.

Quelle rémunération ?

Les alternants bénéficieront d’une rémunération mensuelle brute de 865 euros, à laquelle sera ajoutée une fraction de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves, dans le premier degré (Isae), ou de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves dans le second degré (Isoe). Un service d’enseignement à peu de frais en quelque sorte…

En conclusion

La Fep-CFDT reste très sceptique quant aux bienfaits de cette réforme. Celle-ci semble très mal préparée – décidément cela devient récurrent. Beaucoup trop de zones d’ombre persistent. Mais c’est surtout son financement par des postes d’enseignants qui nous pose problème et qui nous laisse penser que l’objectif initial n’était finalement que purement économique.

Jeudi, certaines organisations syndicales appellent les enseignants à la grève contre cette réforme de la formation initiale. Si nous les rejoignons sur certains arguments, ici développés, nous pensons en revanche que l’action aurait dû être prioritairement proposée à celles et ceux qui se destinent au métier d’enseignant, et en premier lieu aux étudiants qui vivent actuellement le début de cette réforme.