Grenelle de l’éducation

Publié le 23/10/2020

Jeudi 22 octobre, Jean-Michel Blanquer a lancé le Grenelle de l’éducation, depuis le CESE (Conseil économique, social et environnemental). Quelle sera la place des syndicats dans cette large consultation qui devrait durer trois mois ? Quelle sera en particulier la place des organisations syndicales du privé, trop souvent « oubliées » par le ministère ?

L’objectif de cette entreprise est « l’épanouissement de tous ». En visant le « bien-être des personnels », c’est le « progrès de notre école » que l’on obtiendra. « Travailler à la consolidation de la République en travaillant à la consolidation de l’école ». C’est sur ces mots pour le moins solennels et ambitieux que le ministre a conclu son allocution. Pour la Fep-CFDT, les attentes des enseignant.es sont effectivement importantes, notamment sur le volet rémunération. Il ne faudra pas décevoir…

Calendrier  

Le travail de 10 ateliers commencera le 3 novembre pour s’achever le 18 décembre, par un bilan d’étape avec les syndicats le 9 novembre. Des propositions seront faites au ministre fin janvier et la conférence de clôture, avec débats, aura lieu en février.

Les trois piliers du Grenelle

Le Grenelle devra « remettre de l’humain au centre ». Pour cela, il reposera sur trois piliers, dont les mots-clés sont :

Reconnaissance - Il s’agit d’attirer et de valoriser les talents, une ambition qui passe par une revalorisation financière. Le ministre confirme les 400 millions déjà annoncés et la concentration de l’effort sur les débuts de carrière, avant que la revalorisation ne revête un caractère pluriannuel, à partir de 2021.

Il faut également reconnaître les « spécificités des conditions de travail » et le « statut de professeur dans la société », selon Blanquer. Sont prévus un « meilleur accompagnement personnel de chaque professeur », de « l’écoute », une « meilleure réaction de l’institution aux problèmes » auxquels les enseignant.es peuvent être confronté.es.

La reconnaissance passe encore par un travail sur les « fonctions d’encadrement », notamment en termes « d’accès aux fonctions » et de « conditions de travail ».

Concernant les 400 millions, la Fep-CFDT fera des propositions lundi 26 octobre (seule date dans l'agenda social sur le sujet des rémunérations pour les organisations syndicales du privé !). Mais il semble que tout soit déjà décidé… Quant au caractère pluriannuel, cela n’est pas nouveau, nous l’avions déjà entendu, mais, pour l’instant, aucun chiffre n’est avancé.

Coopération - Il faut renforcer la « collégialité et l’esprit d’équipe » ; créer des « collectifs de travail » qui permettront conjointement « l’épanouissement personnel » et la « montée en compétences des établissements ». Cet esprit collaboratif concernera aussi la formation continue. Une « nouvelle gouvernance des écoles et des établissements » est également prévue.

Ouverture - Un mot que Jean-Michel Blanquer présente comme le synonyme de « modernisation ». Il entend par là une « plus grande autonomie » laissée aux enseignant.es devant lesquel.les s’ouvre « un champ des possibles », allégé des « carcans administratifs ».

L’ouverture pour le ministre passe aussi par la « mobilité » en termes de carrière, tous azimuts (mobilité au sein de l’Éducation nationale et vers elle), pour que l’école bénéficie de « talents diversifiés ».

Il est encore question ici du numérique. Tirer profit des innovations nées du confinement et prendre en compte les évolutions les plus récentes. Apprendre à aussi « réguler » et « protéger ». J.-M. Blanquer évoque également le retard numérique qui a été pris en matière de gestion des ressources humaines et préconise le recours à l’intelligence artificielle qui sera « très utile pour la personnalisation des parcours ».

Trois blocs de contributions

« Le Grenelle de l’éducation prendra en compte toutes les contributions, tous les regards », précise le ministre. Trois blocs de contributions « vont se nourrir mutuellement » :

Le « dialogue social », déjà commencé avec les syndicats (du public !!!); « l’apport d’experts et de retours d’expérience » (autour des États généraux du numérique, dont les conclusions seront connues début novembre à Poitiers, et du Colloque international du professeur au XXIe siècle, qui se tiendra le 1er décembre au Collège de France) ; une « concertation large de la société », au travers de 10 ateliers, auxquels participeront syndicats, enseignant.es, encadrement, familles, personnes issues du monde associatif et collectif et, enfin, élue.s et collectivités.

Les 10 ateliers

Ils seront animés par des président.es − dont certain.es sont notamment issu.es du monde littéraire et sportif, assisté.es d’inspecteur.trices général.es −, et placés pendant trois mois dans le « Lab », un incubateur créé il y a trois ans, « espace d’échanges et de construction » au sein du ministère.

Trois ateliers pour la reconnaissance :

  • Revalorisation (le président n’en est pas encore nommé) ;
  • Développement de l’écoute et de la gestion des ressources humaines (présidé par D. Pennac) ;
  • Encadrement (présidé par P. Papé).

Trois ateliers pour la coopération :

  • Collectifs pédagogiques (présidé par M. Rufo) ;
  • Formation initiale et continue (présidé par B. Cyrulnik) ;
  • Gouvernance des écoles et des établissements (présidé par B. Durand, directrice de la formation à Sciences po).

Trois ateliers pour l’ouverture :

  • Déconcentration et autonomie (présidé par F. Taddei) ;
  • Mobilités (présidé par P. Gérard, directeur de l’Ena) ;
  • Numérique (présidé par A. Jean, spécialiste notamment de l’intelligence artificielle).

Un 10e atelier a été ajouté, lié au contexte : Protections et valeurs de la République (présidé par M.-F. Monéger-Guyomarc’h, cheffe de l’inspection générale de la police nationale), notamment pour « améliorer l’accompagnement des enseignant.es dans les cas difficiles » et « assurer leur protection ».

Un beau discours.

En résumé, une « grand-messe » (revoir la vidéo) avec un beau discours dont on attend de voir en février quels seront les résultats et si ceux-ci suffiront à restaurer la confiance quelque peu écornée entre les enseignant.es et leur ministre. Et si ce Grenelle n’était finalement qu’un paravent pour faire passer des mesures déjà dans les tiroirs ? Jean-Michel Blanquer nous a malheureusement souvent habitués à cela…