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Airbnb : la fête est finie

Publié le 17/12/2018

Plébiscitée par les touristes, la plateforme de locations de courte durée entre particuliers a des impacts catastrophiques sur le marché locatif mondial. En face, la riposte législative s’organise.

C’est une révolution touristique. En quelques années, les plateformes locatives de courte durée telles que Airbnb, mais aussi HomeAway, HouseTrip ou encore Booking.com, se sont imposées auprès de millions de voyageurs dans le monde entier, toutes générations confondues. Airbnb, la plus emblématique d’entre elles, a connu une ascension particulièrement fulgurante.

Ecran AIRBNBEntre 2013 et  2016, le nombre de nuits facturées sur le site est passé de 4 à 37 millions. Aujourd’hui, le mastodonte américain revendique 5 millions de logements uniques situés dans plus de 81 000 villes et 191 pays. Avec des bénéfices à nuancer, notamment pour les capitales.

Certes, ces arrivées massives de touristes représentent une véritable opportunité de développement, comme le souligne Fabrice Larceneux, chercheur au CNRS : « Ce sont autant d’emplois créés dans la restauration et la culture au sein des pays d’accueil. » Par ailleurs, ce flot de voyageurs permet aux propriétaires d’arrondir leurs fins de mois et aux municipalités de recueillir de coquettes sommes de taxes de séjour.

En France, le porte-parole d’Airbnb rappelle ainsi que, depuis juillet 2018, la plateforme collecte automatiquement la taxe de séjour dans l’ensemble des 23 000 communes où sont implantés des logements Airbnb.

« Nous avons déjà remis 13,5 millions d’euros à plusieurs collectivités, dont près de 7 millions à Paris », précise l’entreprise. Aussi, en s’implantant dans les campagnes, Airbnb et les autres plateformes offrent la possibilité à des territoires désertés d’être à nouveau dynamisés par la venue de touristes. « Pour les petits villages, c’est une chance », ajoute Fabrice Larceneux.

Le chercheur reste néanmoins conscient des limites des plateformes locatives comme Airbnb : « Ce sont aussi des structures opaques, qui refusent de communiquer leurs données aux autorités publiques et profitent des failles du système fiscal européen pour éviter de payer des impôts. »

En décembre 2017, la capitale a voté l’obligation pour tout loueur de décliner son identité auprès de la mairie ainsi que son adresse.

Outre ce manque à gagner fiscal, la progression de cette offre de logement touristique 2.0 pose un autre problème grave sur le marché locatif. À Barcelone, Berlin, New York ou Paris, l’explosion de la location de meublés pour touristes a comme conséquence de réduire l’offre de logements disponibles pour les locaux. Ian Brossat, adjoint PCF au logement à la Ville de Paris et farouche opposant à Airbnb, affirme ainsi qu’« au cours des cinq dernières années, plus de 20 000 logements ont été retirés du parc immobilier pour servir de locations meublées de courte durée ». En raison de la pénurie de logements, le prix des loyers aurait ainsi augmenté, reléguant les classes moyennes toujours plus loin des centres-villes, prisés par les touristes.

La loi Élan fait enfin payer les plateformes

Conscients du problème, les pouvoirs publics ont tenté ces dernières années, partout en Europe, de réguler l’activité d’Airbnb et consorts (lire ci-dessous).

En France, plusieurs lois ont été votées, parmi lesquelles Alur et Lemaire en 2014 et 2016, qui fixent le cadre général de la location meublée de courte durée : interdiction de louer sa résidence principale plus de cent vingt jours par an et obligation de fournir un numéro d’enregistrement lorsque les villes le demandent. Une opportunité que s’est empressée de saisir la Ville de Paris.

En décembre 2017, la capitale a voté l’obligation pour tout loueur de décliner son identité auprès de la mairie ainsi que son adresse. « Ce numéro d’enregistrement nous permet de systématiser et de faciliter les contrôles », explique Ian Brossat. Malheureusement, ces deux lois n’ont jamais réellement empêché les fraudes. C’est ce qu’indiquent les chiffres collectés par Murray Cox, un data activist ayant réussi à siphonner la base de données d’Airbnb. Sur son site insideairbnb.com, il montre que dans la capitale française, en octobre 2018, plus de 30 % des loueurs ont mis à disposition leur appartement plus de cent vingt jours par an.

Sur les quelque 60 000 logements mis en location à Paris, seuls 30 % auraient fait l’objet d’un enregistrement en ligne, d’après le cabinet de l’élu parisien Ian Brossat.

Mais l’impunité a un temps. Airbnb a récemment accepté de mettre en place un dispositif de blocage automatique des annonces de plus de cent vingt jours.

Il devrait être opérationnel à partir de janvier 2019. En parallèle, la loi Élan, votée définitivement par les parlementaires le 3 octobre 2018, stipule que les plateformes devront désormais mettre la main au portefeuille en cas de non-conformité des annonces. Dorénavant, les sites internet Airbnb, HomeAway et autres encourent une amende maximale de 12 500 euros par logement en l’absence de mention du numéro d’enregistrement et de 50 000 euros par logement en cas de refus de bloquer les annonces au-delà de cent vingt nuitées de location. De quoi, peut-être, mettre un terme aux abus.

lpopper@cfdt.fr

Photos © Justin Lane EPA/Newscom/MaxPPP – Michel Gaillard/RÉA

     

 

Les capitales contre-attaquent

Partout dans le monde, les métropoles tentent de réguler l’activité d’Airbnb, avec les moyens du bord. D’après une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) de juin 2018, à Barcelone, les propriétaires qui louent leur appartement moins de trente et un jours consécutifs doivent nécessairement solliciter
une autorisation. Leur nombre total a été fixé à 9 600 jours pour toute la ville. Afin d’appliquer cette réglementation, une équipe de 40 personnes mène des enquêtes et 36 inspecteurs procèdent aux contrôles sur place.

À Berlin, la location d’une résidence principale en courte durée nécessite aussi une autorisation délivrée par l’administration de l’arrondissement, sans autre restriction. Dans le cas d’une résidence secondaire, la location est, elle, limitée à quatre-vingt-dix jours par an au maximum. À l’échelle de la ville, le contrôle des hôtes est effectué par une équipe de 60 personnes, les fraudeurs étant identifiés notamment grâce aux plaintes des habitants.

À New York, enfin, les autorités ont décidé que les locations d’appartements étaient interdites, seule la location d’une chambre chez l’habitant étant désormais autorisée. Les contrôles se sont intensifiés ces dernières années mais les annonces illégales restent nombreuses. En 2017, près de 30 000 annonces proposaient des logements entiers à louer sur Airbnb…